PORTRAITS DE CHERCHEURS
Claire Wyart
Neurobiologiste
Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière
A l’adolescence, Claire rêvait d’être artiste peintre, dessinatrice, ou encore architecte avant de se découvrir au lycée un intérêt prononcé pour la biologie. Cette passion, qui ne l’a plus quittée depuis, lui ouvre les bancs de l’Ecole Normale Supérieure. Claire réalise ensuite sa thèse à Strasbourg où elle recrée des réseaux de neurones in vitro pour étudier la génération spontanée d’activité nerveuse. Après son doctorat, elle s’envole pour le Népal et le Tibet où elle enseigne pendant une année la science par l’expérience dans les écoles. Après ces douze mois passés loin de la recherche, elle effectue un postdoctorat à Berkeley où elle se penche sur l’optogénétique, jeune discipline qui n’en est alors qu’à ses balbutiements. En 2011, Claire monte son équipe de recherche à l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière et devient en 2017 directrice de recherche INSERM. Sa recherche s’articule autour de l’intégration sensori-motrice. Elle étudie le système nerveux des larves du transparent poisson zèbre, dont le petit nombre de neurones — environ 200 000 — en fait un modèle simple lui permettant d’approcher la biologie de façon quantitative. Sur des problèmes liés à la locomotion et au contrôle de la posture, elle s’interroge sur le lien qui existe entre connectivité neuronale et expression des gènes. Le système sensoriel la fascine, notamment la relation entre stimulus externe et cheminement de l’information interne. Mais elle s’intéresse aussi à l’individualité du poisson zèbre. Quelles différences observe-t-on d’un individu à l’autre ? Quand peut-on parler d’expression de sa personnalité ?
Claire est tombée amoureuse de l’esthétique de ce cyprinidé. « La visualisation de l’expression génétique est un moment d’émotion très fort à chaque fois », nous avoue-t-elle. Elle considère la photographie comme un « formidable moyen de partage » et intervient régulièrement dans les écoles pour rendre la science accessible à travers ses images.

Photographies réalisées en collaboration avec Kristen Severi & Martin Carbo-Tano.
Les oeuvres de Claire :
José-Eduardo Wesfreid
Physicien
ESPCI Paris
Après des études de physique à Buenos Aires en Argentine, José-Eduardo s’envole pour la France et Saclay où il effectue sa thèse d’état sur la convection de Rayleigh-Bénard, bien connue des météorologistes. Il rejoint ensuite le laboratoire Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes à l’ESPCI Paris, qu’il dirigera par la suite. Aujourd’hui directeur de recherche émérite au CNRS, José-Eduardo travaille pendant toute sa carrière sur les instabilités en mécanique des fluides, le chaos et la turbulence. Son travail, principalement expérimental, se focalise sur la déstabilisation de fluides au passage d’un obstacle. Il développe notamment des méthodes optiques de visualisation ou de mesure en mécanique des fluides. Il a également travaillé comme consultant scientifique pour Schlumberger, et c’est à cette occasion qu’il rencontre Sophie Goujon-Durand. Ensemble, ils travaillent sur le design d’un débit-mètre de forage ; un sujet de recherche fondamentale naît alors d’un intérêt industriel.
Durant sa carrière, José-Eduardo développe un véritable intérêt pour l’histoire des sciences et le rôle de la visualisation en mécanique des fluides. L’hydrodynamique est une « science à taille humaine », il y aime « la richesse expressive de l’image ». Il est également très attaché à la diffusion scientifique. Il a notamment été secrétaire scientifique pour une série d’expositions sur le chaos qui ont lieu à Barcelone ou encore au Palais de la Découverte à Paris. José-Eduardo évoque également la « tentation de l’esthétisme pur » dans ses expériences : « Même si je mets bien sûr la priorité sur la pertinence scientifique dans mes expériences, je suis chaque fois émerveillé par la beauté des écoulements en mécanique des fluides. »
Les oeuvres de José-Eduardo :
Benjamin Thiria
Physicien
ESPCI Paris
Le parcours scientifique de Benjamin débute à l’ESPCI Paris où il effectue son doctorat sur les instabilités hydrodynamiques. Il a ensuite l’occasion d’étendre ses connaissances en mécanique des fluides et en particulier en turbulence lors de son post-doctorat. Il quitte ensuite la France pour les Etats-Unis, plus précisément New-York University, où il se penche sur une thématique qui l’occupe encore aujourd’hui : le biomimétisme. L’idée de comprendre, s’inspirer et reproduire au laboratoire ce que la nature a mis des millions d’années à construire le fascine. En 2009, Benjamin crée sa propre équipe de recherche autour de cette thématique : nage des poissons, vols des insectes, comportements collectifs chez les animaux, sont autant de sujets qu’il souhaite développer dans son laboratoire. Avec Raphaël Candelier, que nous comptons également parmi nos chercheurs-artistes, il dédie une partie de ses activités de recherche aux interactions sociales chez les poissons.
Benjamin pratique la photographie depuis qu’il a 18 ans, et n’a jamais vraiment cessé d’exprimer son art depuis. Il aime la simplicité, le minimalisme. « J’aime les photographies qui suscitent le questionnement, l’interrogation. Ce qui m’intéresse, c’est le mystère qui entoure une image. », nous confie-t-il. Benjamin découvre la photographie scientifique pendant son doctorat et y trouve assez rapidement cette profondeur tant recherchée. Benjamin est un esthète et donne une dimension graphique à tout ce qui touche à sa recherche. « On sert énormément le message scientifique en le rendant agréable, plaisant à l’approche. », nous dit Benjamin qui, sans conteste, partage beaucoup avec la philosophie de AiR.
Les oeuvres de Benjamin :
Thomas Séon
Physicien
Université Pierre et Marie Curie
Pendant son doctorat au laboratoire FAST à l’Université Paris-Sud, Thomas se penche sur les instabilités en mécanique des fluides et s’intéresse en particulier aux mélanges turbulents induits par la gravité. Il s’envole ensuite pour le Chili où il effectue un post-doctorat à l’Université de Santiago. Sa recherche est alors consacrée à l’étude de l’instabilité de Faraday qui apparaît lorsqu’on force la vibration d’une interface liquide à des fréquences et amplitudes élevées. Il prolonge son séjour américain, au Canada cette fois, pour un second post-doctorat où il se penche à nouveau sur la dynamique du mélange fluide. Enfin, il rejoint le laboratoire Jean Perrin à l’Université Pierre et Marie Curie et obtient son poste de chercheur au CNRS. Aujourd’hui, il se focalise principalement sur les fluides non miscibles, et s’intéresse notamment aux mécanismes de déstabilisation de bulles aux interfaces.
Thomas passe de nombreuses heures à rendre ses expériences aussi élégantes que possibles, et tente de capturer ces instants d’harmonie avec son appareil photo. « Mon travail, et la façon dont je le représente, doivent être un reflet de ma personnalité », nous confie-t-il.

La série "Motifs de fracture" a été réalisée en collaboration avec Virgile Thievenaz.
Les oeuvres de Thomas :
Yannick Rondelez
Chimiste
ESPCI Paris
Le parcours de Yannick est pour le moins atypique. Yannick débute sa carrière académique par un doctorat en chimie consacré à l’étude des enzymes artificielles à l’Université Paris Descartes. Il fait ensuite ses valises pour le Japon où il effectue un post-doctorat en biophysique à l’Université de Tokyo. Il s’intéresse aux moteurs moléculaires : ouvriers nanométriques travaillant dans les cellules du vivant. Yannick décide alors de faire une pause pour voyager à travers la monde. Après avoir sillonné la péninsule du Kamchatka à pied, il décide de traverser l’Afrique à vélo. En 2009, il publiera « L’Afrique à l’envers : Du Cap au Caire, à vélo » édité aux Sources du Maica. A son retour, il exerce en tant que journaliste, avant de devenir consultant en créativité technologique et innovation. Enfin, Yannick retrouve la recherche et intègre le CNRS au laboratoire Franco-Japonais de l’Université de Tokyo. Depuis 2008, Yannick s’intéresse à la programmation moléculaire sur support d’ADN. Il utilise les outils de la chimie synthétique pour traiter l’information. Il rejoint l’ESPCI Paris en 2016 pour créer son propre groupe de recherche au sein du laboratoire Gulliver. Aujourd’hui, il s’intéresse également au développement d’outils diagnostic pour la détection d’enzymes.
Yannick attache une importance particulière à la représentation graphique, essentielle pour lui à l’interprétation des données. La composante esthétique est omniprésente dans sa recherche ; les images qu’il produit doivent marquer, impacter : « J’aime ajouter une valeur esthétique à une expérience qui fonctionne », nous confie-t-il.
Les oeuvres de Yannick :
Matthieu Roche
Physico-chimiste
Université Paris Diderot
Initialement destiné à la physique quantique, Matthieu décide de substituer l’esthétique des expériences visuelles à l’abstraction des objets invisibles. C’est à l’occasion d’un cours sur les instabilités en mécanique des fluides qu’il se décide à emprunter cette voie. Il s’intéresse pendant son doctorat à Bordeaux à la déstabilisation de gouttes de cristaux liquides. Après un court séjour à l’Institut de Physique de Rennes, il traverse l’Atlantique pour travailler aux côtés de Howard Stone à l’Université de Princeton. C’est à l’occasion d’une visite de son collègue Arnaud Saint-Jalmes qu’il fait la découverte de l’expérience d’écoulements de surface qui l’occupe encore aujourd’hui. Prêts à quitter le laboratoire après plusieurs essais infructueux, les deux chercheurs vident l’échantillon dans l’évier et voient alors apparaitre des volutes, témoins du phénomène tant recherché. A la frontière de la mécanique des fluides et de la physico-chimie des interfaces, Matthieu développe l’expérience et la pousse dans ses derniers retranchements. Il y trouve rapidement des applications qui attirent l’attention des industriels désireux de tester leurs formulations chimiques pour la cosmétique ou encore l’industrie pétrolière. Il intègre le CNRS en 2014 après un second post-doctorat sur les propriétés de surface des milieux poreux au Laboratoire de Physique du Solide à Orsay.
Matthieu prend plaisir à utiliser les objets du quotidien pour illustrer la complexité des phénomènes qu’il étudie. Il accorde une importance capitale à l’esthétisme de la matière molle : « Non seulement c’est beau, mais grand nombre des phénomènes qui nous entourent au quotidien sont encore incompris à ce jour », nous dit-il.
Les oeuvres de Matthieu :
Pascal-Jean Lopez
Biologiste
Museum National d'Histoire Naturelle
Pascal est fasciné par la croissance des formes dans la nature. Il démarre sa carrière académique par une thèse à l’Ecole Normale Supérieure où il se penche sur la régulation et l’expression des gènes chez les bactéries. Après un court passage à la Harvard Medical School et un post-doctorat à Heidelberg en Allemagne, Pascal intègre le CNRS et constitue sa propre équipe de recherche. Il s’intéresse à la croissance et à l’évolution des formes dans les diatomées, algues microscopiques que l'on retrouve dans toutes les eaux du monde. En 2010, il rejoint le Museum National d’Histoire Naturelle et travaille sur des questions de bio-minéralisation, en particulier sur les mécanismes de formation du squelette chez les coraux ou les mollusques. Une partie de sa recherche est toujours dédiée à l’étude de la structure des diatomées, mais avec une particularité : Pascal étudie et cartographie méticuleusement les diatomées des eaux de Paris ! Il est par exemple capable, en fonction des espèces qu’il observe sous son microscope, d'identifier l'arrondissement d’où provient l’échantillon. Mais Pascal a bien plus d’une corde à son arc, et sa recherche ne connaît pas de frontières. Soutenu par le CNRS, il crée en 2016 un Observatoire Homme-Milieu en Guadeloupe. L’idée est d’étudier l’évolution du socio-écosystème en réponse à un fait dit « structurant » : l’extension portuaire de Point-à-Pitre.
Pascal s’interroge en profondeur sur l’esthétique intrinsèque des objets qu’il photographie. « C’est probablement leur beauté inessentielle qui me passionne. A l’inverse des papillons mâles qui déploient leurs plus jolies couleurs dans le but d’attirer les femelles, les diatomées sont belles par nature, même si elles n’en ont pas besoin. C’est fascinant ! », nous avoue-t-il avec enthousiasme. Pascal passe de longues heures à sublimer ces micro-organismes : « c’est en quelque sorte rendre hommage à ces créatures merveilleuses ».
Les oeuvres de Pascal-Jean :
Sophie Goujon-Durand
Physicienne
Université Paris-Est Créteil
Sophie étudie la physique à l’Ecole Polytechnique de Varsovie et effectue son doctorat sur les instabilités hydrodynamiques. Elle rejoint ensuite la France et devient ingénieure au centre de recherche Schlumberger à Montrouge. Après 18 ans passés dans l’industrie, Sophie rejoint le monde académique et devient enseignante-chercheuse à l’Université Paris-Est Créteil. Son expérience chez Schlumberger lui permet de porter un regard industriel sur ses recherches, un trait particulièrement apprécié par ses collègues ayant pour la plupart suivi une formation purement académique. Elle ne perd jamais de vue les potentielles applications dans les expériences qu’elle met en oeuvre. C’est à l’occasion d’une mission industrielle à Schlumberger sur le design d’un débit-mètre de forage qu’elle fait la connaissance de José-Eduardo Wesfreid. Depuis, ils n’ont cessé de travailler ensemble. Ils s’intéressent tout particulièrement aux sillages de fluides s’écoulant autour d’objets de géométrie variable. Ils développent également la thématique du « contrôle actif » : comment amplifier ou détruire, de façon contrôlée, les tourbillons qui se forment derrière les obstacles ? Sophie donne souvent l’exemple du pont de Tacoma Narrows aux Etats-Unis qui en 1940 s’est mis à osciller de façon spectaculaire (vidéo) : « Ce que les gens ignorent c’est que le pont est entré en résonance à cause des tourbillons formés derrière les poutres battues par le vent ! ».
Les oeuvres de Sophie :
Eric Falcon
Physicien
Univ. Paris Diderot
Pendant son doctorat, Eric s’intéresse aux milieux granulaires et en particulier à la propagation du son dans les réseaux de billes. Après une année passée à l’Ecole Normale Supérieure en tant que scientifique du contingent, il travaille au Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et fait voyager ses expériences dans une fusée-sonde afin d’en étudier le comportement en micro-gravité. Eric intègre ensuite le CNRS à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon où il contribue notamment à la compréhension profonde de l’effet Branly. Ce mécanisme — à la base des premières télécommunications sans fil entre Paris et Londres dans les années 1880 — était jusqu’alors largement utilisé mais peu compris. En 2005, il rejoint le laboratoire Matières et Systèmes Complexes à Paris et constitue sa propre équipe de recherche sur des problématiques de turbulence d’ondes. Mais l’espace n’a jamais vraiment quitté Eric. Il travaille avec l’astronaute Thomas Pesquet sur des expériences réalisées en impesanteur, et coordonne une équipe internationale qui oeuvre à la mise en place d’un instrument d’étude des milieux granulaires sur la Station Spatiale Internationale. Au-delà de ses intérêts fondamentaux, cette étude permettrait par exemple de résoudre les problèmes de forage sous faible gravité, ou encore les problèmes d’ensablement des Rovers sur Mars.
Eric est sensible à la combinaison des créativités et participe régulièrement à des manifestations mêlant Arts et Sciences. Avec son ami et collègue Claude Laroche, ils prennent plaisir à sublimer et magnifier les objets scientifiques sur lesquels ils travaillent.
Les oeuvres de Eric :
Florence Elias
Physicienne
Univ. Pierre et Marie Curie
Florence s’intéresse à la physique de notre quotidien, des films de savon à la mousse à raser. Depuis son doctorat jusqu’à l’obtention de son poste de maître de conférences à Paris, sa recherche est consacrée à la physique des mousses magnétiques et savonneuses. Ses activités de recherche la conduisent à s’intéresser à l’acoustique de ces milieux bulleux : Quels facteurs physico-chimiques influencent la propagation du son dans une mousse ? Peut-on atténuer certaines fréquences au profit d’autres lorsque les ondes sonores traversent le milieu ? Autant de questions qui ont motivé Florence ces dernières années. Les potentielles applications de ses recherches sont nombreuses, en particulier pour le filtrage et l’isolation sonore. Florence travaille aujourd’hui avec des biologistes marins pour comprendre les mécanismes de formation des mousses marines. Liées à la rapide croissance d’algues microscopiques, on les retrouve chaque année sur nos côtes et celles du monde entier.
L’aspect visuel des expériences est extrêmement important pour Florence. La beauté des objets scientifiques a été un moteur, un guide dans ses choix d’orientation. « J’essaie […] de faire passer des messages scientifiques avec des expériences interactives et visuelles », nous dit-elle. En somme, en pleine adéquation avec la philosophie de AiR.
Les oeuvres de Florence :
Alexandre Darmon
Physicien
ESPCI Paris
Diplômé de l’Ecole Centrale de Lyon et de l’Imperial College de Londres, Alexandre marque une pause dans son parcours universitaire et se donne une année pour découvrir et photographier le monde. De retour à Paris il décide de s’orienter vers la recherche fondamentale. Après un master de physique à l’Ecole Normale Supérieure, il effectue son doctorat à l’ESPCI Paris où il se spécialise dans la physique des cristaux liquides. Il s’intéresse en particulier au comportement singulier de ces molécules allongées lorsqu’on les place sur des surfaces courbes. Alexandre développe une véritable fascination pour ces objets qui interagissent avec la lumière d’une façon si particulière. C’est d’ailleurs pour cela que l’on retrouve les cristaux liquides dans la plupart des écrans qui peuplent notre quotidien.
« Regarder les cristaux liquides à travers un microscope est comme regarder les étoiles à travers un télescope. Les échelles sont différentes, mais la magie reste identique », dit-il. Alexandre est depuis longtemps passionné de photographie (www.alexandredarmon.com). Avec les cristaux liquides, son microscope et trois ans devant lui, Alexandre trouve le terrain de jeu dont il a besoin pour s’épanouir. C’est à l’occasion d’un séjour à Kyoto qu’il trouve le moyen d’allier sa passion pour la photographie à son amour des sciences. Il crée AiR - Art in Research et consacre toute son énergie à valoriser la recherche scientifique à travers les images.
Les oeuvres de Alexandre :
Pierre-Philippe Crepin
Physicien
Ecole Normale Supérieure
Passionné de sciences depuis l’enfance, Pierre-Philippe Crépin assiste à ses premiers cours de physique quantique sur les bancs de l’École Polytechnique. C’est pour lui la “découverte d’un nouveau monde”. Saisi par “l’élégant, l’abstrait et le magique” de la discipline, il effectue un master en physique quantique à l’École Normale Supérieure. Dans le cadre de cette formation, il intègre le triplement nobélisé Laboratoire Kastler-Brossel pour étudier les atomes froids. Il poursuit dans ce même laboratoire pour réaliser une thèse portant sur une question pour le moins originale : l’antimatière tombe-t-elle vers le haut ou vers le bas? À partir de la théorie quantique, Pierre-Philippe propose, avec son directeur de thèse Serge Reynaud, de nouvelles méthodes expérimentales pour améliorer la précision des mesures de l’accélération de pesanteur de l’antimatière. Il aime lorsque les mathématiques aboutissent à des résultats surprenants qui sont en pratique vérifiables physiquement. Après ses projets de recherche en mécanique quantique, Pierre-Philippe cherchera à appliquer ses connaissances théoriques et analytiques à des problèmes économiques lors de son postdoctorat en éconophysique.
Pierre-Philippe a toujours considéré l’image comme un outil essentiel pour la science. Les images sont pour lui un “grand guide pour l’intuition”. Plus encore, le regard de Pierre-Philippe est sensible à la beauté visuelle, aussi bien au cinéma que dans les musées. “J’aime quand la forme révèle le sens profond d’une chose”, confie Pierre-Philippe. Dès les débuts de ses recherches, il ajoute un côté esthétique à ses démarches analytiques. Aujourd’hui, c’est dans la visualisation de ses résultats qu’il développe sa recherche de la beauté.
Les oeuvres de Pierre-Philippe :
Alain Coute
Naturaliste
Museum National d'Histoire Naturelle
Le parcours d’Alain Couté dans la recherche est tout à fait atypique. Au cours de ses jeunes années, Alain effectue des études scientifiques à Paris et travaille en parallèle comme surveillant de lycée et professeur d’EPS en Province. Il enseigne ensuite la voile au service de la Marine militaire, rêvant d’embarquer sur les grands voiliers « L’Etoile » ou « La Belle Poule », fleurons de la flotte française. Son expérience d’enseignement de la voile se poursuit pendant deux à l’Ecole Navale. De retour à Paris, il passe avec succès plusieurs certificats : physique, chimie, biologie… tout en travaillant comme professeur de physique et traducteur de thèse de géologie de l’Allemand au Français. En même temps, il apprend la plongée sous-marine et obtient son brevet de moniteur. Il effectue un DEA d’Algologie d’où il sort premier alors même qu’il continue de travailler pour gagner sa vie. Il se forme également sur le terrain, à Banyuls notamment et continue son parcours universitaire par une thèse de 3ème cycle ayant pour objet d’étude une algue macroscopique endémique. Il est le premier à parvenir à cultiver ces algues en dehors de leur milieu naturel, quai Saint Bernard à Paris. Il postule ensuite au Museum National d’Histoire Naturelle où il est recruté comme assistant. Il franchit les étapes, passant de maître-assistant à maître de conférences puis sous-directeur du laboratoire de Cryptogamie du Museum. Enfin, il devient directeur de ce même laboratoire qu’il dirigera pendant dix ans. Il s’intéresse alors aux algues microscopiques, qu’il répertorie avec soin et dont il devient un spécialiste de renommée internationale. Aujourd’hui, il se rend régulièrement en Nouvelle Calédonie pour cataloguer les algues de cet archipel.
Alain apprend la photographie terrestre et sous-marine en autodidacte. Ses recherches, qui impliquent l’utilisation de la photographie, contribuent à développer sa sensibilité artistique. Grand connaisseur de la microscopie optique et électronique, sa pratique de photographe relève du travail de moine. Constamment à la recherche de la perfection, chaque algue est séchée puis isolée à l’aide de micro-pipettes. Il use d’une extrême minutie pour réaliser ce travail que peu de personnes à part lui sont capables de faire ; la photographie d’une algue isolée peut prendre jusqu’à dix heures de travail. Aujourd’hui, Alain se revendique à la fois « chercheur, dessinateur, photographe et homme de terrain ». Il transmet avec passion son expérience aux plus jeunes.
Les oeuvres de Alain :
Rosa Cossart
Neurobiologiste
Institut de neurobiologie de la méditerranée
C’est au lycée que naît l’intérêt de Rosa pour la recherche médicale. Après avoir intégré l’Ecole Centrale de Paris, elle effectue un DEA de biophysique moléculaire à Paris VI où elle se passionne pour les neurosciences. C’est suite à un stage à la maternité Port-Royal de l’hôpital Cochin qu’elle se décide à poursuivre dans cette voie. Aujourd’hui, Rosa est directrice de recherche au CNRS et dirige l’Institut de neurobiologie de la méditerranée à Marseille. L’équipe de Rosa s’intéresse aux connexions entre neurones dans l’hippocampe, une région du cerveau qui est le siège de notre mémoire et qui nous sert à nous repérer dans l’espace. Plus précisément, Rosa a montré que les neurones qui sont générés les premiers, au cours du développement embryonnaire, jouent un rôle plus important dans le réseau hippocampique. Même si les applications sont au coeur des recherches de Rosa, elle reste très attachée à la recherche fondamentale et les questions qui ont trait à la compréhension du cerveau sont une source de motivation quotidienne pour elle. Rosa est la lauréate 2019 du Prix Liliane Bettencourt pour les Sciences du Vivant, une des reconnaissances les plus prestigieuses pour la recherche en biologie.
Rosa compare souvent le métier de chercheur avec celui d’artiste. Pour elle, tous deux doivent interpréter des données et exprimer une forme de créativité. Elle ne cesse de s’émerveiller devant la beauté des neurones qui est à l’origine de sa passion pour les neurosciences.

Photographies réalisées en collaboration avec Agnès Baude.
Les oeuvres de Rosa :
Jean-François Colonna
Mathématicien / Numéricien
Ecole Polytechnique
En 1970, à sa sortie de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications (ENST), Jean-François dirige la partie recherche d'un laboratoire commun entre l'ENST et l'Ecole Polytechnique (X). C'est là qu'il prépare son doctorat sur le thème "informatique et communication". Alors que l'informatique n'en est encore qu'à ses balbutiements, Jean-François est un pionnier : il conçoit de nombreux logiciels destinés en particulier à l'enseignement assisté par ordinateur (système d'exploitation, gestionnaires de structures de fichiers, éditeurs de texte, logiciels graphiques, analyseurs syntaxiques et sémantiques,...). Tout cela avec un ordinateur doté de 32 Ko de mémoire vive et 1 Mo de disques durs ! Couplant numérique et analogique, il réalise dans les années soixante-dix des vidéos numériques.
Pierre Vasseur, alors directeur de la recherche à l'X, conscient du potentiel qu'offrent les images en matière de communication scientifique le rattache au Centre de Mathématiques Appliquées dirigé alors par Jean-Claude Nédélec. Jean-François se tourne alors presque exclusivement vers la visualisation scientifique. Il réfléchit en profondeur à la représentation des résultats de calculs numériques, et devient un précieux conseiller en imagerie informatique auprès de nombreux chercheurs de l’Ecole Polytechnique.
Passionné de peinture flamande, Jean-François met tout son savoir au service de la création artistique. En près de cinquante ans de carrière, il réalise plusieurs milliers d'images et d'animations sur ses ordinateurs. Elles sont le fruit d'un mélange subtil entre imagination et réalité mathématique ; sa créativité ne connait pas de limite. Jean-François est également très attaché à la diffusion scientifique. Il ne compte plus les conférences et interventions dans les écoles, où il utilise ses images pour sensibiliser à l'importance de la recherche fondamentale : « Ce n'est pas en modernisant la bougie qu'on a inventé les ampoules électriques », nous confie-t-il avec humour.
Les oeuvres de Jean-François :
Caroline Cohen
Physicienne
Ecole polytechnique
Après un court passage en école d’ingénieur, Caroline se rend vite compte que ce métier n’est pas fait pour elle. Son souhait : devenir professeure. Elle intègre alors l’Ecole Normale Supérieure de Cachan et passe avec succès l’aggregation de Sciences Physiques. Mais un fait marquant, pendant un simple match de volley-ball, va alors changer le cours de sa carrière. Elle constate avec surprise la trajectoire incertaine de la « balle flottante », et ne peut s’empêcher d’essayer de comprendre ce phénomène. Elle effectue alors un stage puis une thèse sur la thématique de la physique du sport à l’Ecole polytechnique où, en plus des trajectoires de balles, elle se penche sur le lien entre dynamique du geste et fonctionnement microscopique des muscles. Le temps d’un post-doctorat, Caroline, attirée par les expériences particulièrement visuelles, se penche sur les phénomènes d’érosion et de géomorphologie. A l’aide d’une matière ordinaire, en l’occurence du caramel, elle réussit à créer une expérience modèle qui permet aujourd’hui de comprendre les motifs qui apparaissent sur la surface immergée des icebergs. Mais la physique du sport n’est jamais très loin. De retour à l’Ecole polytechnique, elle devient Maitre de conférences et peut combiner ses deux passions : recherche et enseignement. Aujourd’hui, ses sujets de recherche portent aussi bien sur le ski de fond, où elle travaille en étroite collaboration avec le multiple médaillé olympique Martin Fourcade, que sur les problèmes de commotion cérébrale en boxe ou en rugby.
Caroline a toujours « besoin de voir pour comprendre ». La photographie, qu’elle utilise au quotidien dans ses expériences, est sa plus précieuse alliée. La mécanique des fluides est une science qu’elle affectionne tout particulièrement, et qu’elle qualifie volontiers de « science du concret et du beau ». « Je suis peut-être attirée de manière inconsciente vers l’esthétique des sujets que je traite. Avec le caramel par exemple, je pouvais passer des heures à contempler les formes qui se dessinaient à la surface », conclut-elle avec enthousiasme.
Les oeuvres de Caroline :
Raphaël Candelier
Neurophysicien
Univ. Pierre et Marie Curie
Pour Raphaël tout commence lors d’un stage au Japon dans les neurosciences comportementales, en psycho-acoustique. Diplômé d’un master en sciences cognitives, Raphaël s’envole pour l’Italie afin étudier la dynamique collective des étourneaux dont le vol fascine les passants de la gare de Rome depuis bien des années. Il revient ensuite en France pour effectuer un doctorat en physique statistique. Mais après avoir soutenu sa thèse Raphaël se tourne à nouveau vers ses premières amours, les neurosciences, et se penche sur la question mécano-sensorielle des empreintes digitales. Il exerce aujourd’hui son métier de chercheur au laboratoire Jean Perrin où il étudie les flux d’information dans le cerveau du transparent poisson-zèbre. Raphaël attache une importance capitale à la représentation graphique de ses résultats. Il est toujours en quête de la représentation la plus visuelle, la plus pertinente, la plus harmonieuse. « Je ne comprends que quand je vois, […] je ne suis sûr de rien tant que je n’ai pas vu », nous avoue-t-il.
Les oeuvres de Raphaël :
Charles Baroud
Physicien
Ecole Polytechnique
La carrière scientifique de Charles débute à Austin au Texas (Etats-Unis) où il effectue un doctorat en mécanique des fluides sur les écoulements turbulents. Il rejoint ensuite l’Europe pour faire son post-doctorat à l’Ecole Normale Supérieure de Paris. En 2002, Charles obtient un poste d’enseignant-chercheur à l’Ecole Polytechnique. Il y monte sa propre équipe de recherche et s’intéresse aux écoulements de fluides à très petite échelle : la microfluidique. Transport de bulles et gouttes ou modélisation de réseaux de micro-canaux mimant le fonctionnement des poumons sont autant de sujets sur lesquels Charles travaille dans son laboratoire. Il développe également des outils technologiques permettant la manipulation de gouttes dans ces micro-canaux. En 2012, ses outils trouvent des applications concrètes en biologie cellulaire et donne une nouvelle orientation à sa recherche. Depuis décembre 2017, Charles dirige une équipe de bio-ingénierie entre l’Ecole Polytechnique et l’Institut Pasteur. Même si la biologie est aujourd’hui au coeur de ses activités de recherche, Charles est bel et bien physicien et chacune de ses expériences est l’occasion pour lui de s’interroger sur les phénomènes physiques sous-jacents.
L’aspect très visuel des expériences de mécanique des fluides fascine Charles depuis qu’il est étudiant. Il aime la science "que l’on peut voir avec ses yeux". Charles nous confie qu’il est daltonien, ce qu’il considère être un avantage pour sa recherche. Il utilise beaucoup le noir et blanc pour produire ses images et cela lui permet de porter un regard particulier sur la science : « Je ne suis pas distrait par les couleurs et suis naturellement beaucoup plus sensible aux formes et au mouvement, omniprésents en mécanique des fluides ».

Photographies réalisées en collaboration avec Nicolas Taccoen & Sebastien Sart.
Les oeuvres de Charles :