PORTRAITS DE CHERCHEURS
Claire Wyart
Neurobiologiste
Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière
A l’adolescence, Claire rêvait d’être artiste peintre, dessinatrice, ou encore architecte avant de se découvrir au lycée un intérêt prononcé pour la biologie. Cette passion, qui ne l’a plus quittée depuis, lui ouvre les bancs de l’Ecole Normale Supérieure. Claire réalise ensuite sa thèse à Strasbourg où elle recrée des réseaux de neurones in vitro pour étudier la génération spontanée d’activité nerveuse. Après son doctorat, elle s’envole pour le Népal et le Tibet où elle enseigne pendant une année la science par l’expérience dans les écoles. Après ces douze mois passés loin de la recherche, elle effectue un postdoctorat à Berkeley où elle se penche sur l’optogénétique, jeune discipline qui n’en est alors qu’à ses balbutiements. En 2011, Claire monte son équipe de recherche à l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière et devient en 2017 directrice de recherche INSERM. Sa recherche s’articule autour de l’intégration sensori-motrice. Elle étudie le système nerveux des larves du transparent poisson zèbre, dont le petit nombre de neurones — environ 200 000 — en fait un modèle simple lui permettant d’approcher la biologie de façon quantitative. Sur des problèmes liés à la locomotion et au contrôle de la posture, elle s’interroge sur le lien qui existe entre connectivité neuronale et expression des gènes. Le système sensoriel la fascine, notamment la relation entre stimulus externe et cheminement de l’information interne. Mais elle s’intéresse aussi à l’individualité du poisson zèbre. Quelles différences observe-t-on d’un individu à l’autre ? Quand peut-on parler d’expression de sa personnalité ?
Claire est tombée amoureuse de l’esthétique de ce cyprinidé. « La visualisation de l’expression génétique est un moment d’émotion très fort à chaque fois », nous avoue-t-elle. Elle considère la photographie comme un « formidable moyen de partage » et intervient régulièrement dans les écoles pour rendre la science accessible à travers ses images.

Photographies réalisées en collaboration avec Kristen Severi & Martin Carbo-Tano.
Les oeuvres de Claire :
José-Eduardo Wesfreid
Physicien
ESPCI Paris
Après des études de physique à Buenos Aires en Argentine, José-Eduardo s’envole pour la France et Saclay où il effectue sa thèse d’état sur la convection de Rayleigh-Bénard, bien connue des météorologistes. Il rejoint ensuite le laboratoire Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes à l’ESPCI Paris, qu’il dirigera par la suite. Aujourd’hui directeur de recherche émérite au CNRS, José-Eduardo travaille pendant toute sa carrière sur les instabilités en mécanique des fluides, le chaos et la turbulence. Son travail, principalement expérimental, se focalise sur la déstabilisation de fluides au passage d’un obstacle. Il développe notamment des méthodes optiques de visualisation ou de mesure en mécanique des fluides. Il a également travaillé comme consultant scientifique pour Schlumberger, et c’est à cette occasion qu’il rencontre Sophie Goujon-Durand. Ensemble, ils travaillent sur le design d’un débit-mètre de forage ; un sujet de recherche fondamentale naît alors d’un intérêt industriel.
Durant sa carrière, José-Eduardo développe un véritable intérêt pour l’histoire des sciences et le rôle de la visualisation en mécanique des fluides. L’hydrodynamique est une « science à taille humaine », il y aime « la richesse expressive de l’image ». Il est également très attaché à la diffusion scientifique. Il a notamment été secrétaire scientifique pour une série d’expositions sur le chaos qui ont lieu à Barcelone ou encore au Palais de la Découverte à Paris. José-Eduardo évoque également la « tentation de l’esthétisme pur » dans ses expériences : « Même si je mets bien sûr la priorité sur la pertinence scientifique dans mes expériences, je suis chaque fois émerveillé par la beauté des écoulements en mécanique des fluides. »
Les oeuvres de José-Eduardo :
Benjamin Thiria
Physicien
ESPCI Paris
Le parcours scientifique de Benjamin débute à l’ESPCI Paris où il effectue son doctorat sur les instabilités hydrodynamiques. Il a ensuite l’occasion d’étendre ses connaissances en mécanique des fluides et en particulier en turbulence lors de son post-doctorat. Il quitte ensuite la France pour les Etats-Unis, plus précisément New-York University, où il se penche sur une thématique qui l’occupe encore aujourd’hui : le biomimétisme. L’idée de comprendre, s’inspirer et reproduire au laboratoire ce que la nature a mis des millions d’années à construire le fascine. En 2009, Benjamin crée sa propre équipe de recherche autour de cette thématique : nage des poissons, vols des insectes, comportements collectifs chez les animaux, sont autant de sujets qu’il souhaite développer dans son laboratoire. Avec Raphaël Candelier, que nous comptons également parmi nos chercheurs-artistes, il dédie une partie de ses activités de recherche aux interactions sociales chez les poissons.
Benjamin pratique la photographie depuis qu’il a 18 ans, et n’a jamais vraiment cessé d’exprimer son art depuis. Il aime la simplicité, le minimalisme. « J’aime les photographies qui suscitent le questionnement, l’interrogation. Ce qui m’intéresse, c’est le mystère qui entoure une image. », nous confie-t-il. Benjamin découvre la photographie scientifique pendant son doctorat et y trouve assez rapidement cette profondeur tant recherchée. Benjamin est un esthète et donne une dimension graphique à tout ce qui touche à sa recherche. « On sert énormément le message scientifique en le rendant agréable, plaisant à l’approche. », nous dit Benjamin qui, sans conteste, partage beaucoup avec la philosophie de AiR.
Les oeuvres de Benjamin :
Thomas Séon
Physicien
Université Pierre et Marie Curie
Pendant son doctorat au laboratoire FAST à l’Université Paris-Sud, Thomas se penche sur les instabilités en mécanique des fluides et s’intéresse en particulier aux mélanges turbulents induits par la gravité. Il s’envole ensuite pour le Chili où il effectue un post-doctorat à l’Université de Santiago. Sa recherche est alors consacrée à l’étude de l’instabilité de Faraday qui apparaît lorsqu’on force la vibration d’une interface liquide à des fréquences et amplitudes élevées. Il prolonge son séjour américain, au Canada cette fois, pour un second post-doctorat où il se penche à nouveau sur la dynamique du mélange fluide. Enfin, il rejoint le laboratoire Jean Perrin à l’Université Pierre et Marie Curie et obtient son poste de chercheur au CNRS. Aujourd’hui, il se focalise principalement sur les fluides non miscibles, et s’intéresse notamment aux mécanismes de déstabilisation de bulles aux interfaces.
Thomas passe de nombreuses heures à rendre ses expériences aussi élégantes que possibles, et tente de capturer ces instants d’harmonie avec son appareil photo. « Mon travail, et la façon dont je le représente, doivent être un reflet de ma personnalité », nous confie-t-il.

La série "Motifs de fracture" a été réalisée en collaboration avec Virgile Thievenaz.
Les oeuvres de Thomas :
Yannick Rondelez
Chimiste
ESPCI Paris
Le parcours de Yannick est pour le moins atypique. Yannick débute sa carrière académique par un doctorat en chimie consacré à l’étude des enzymes artificielles à l’Université Paris Descartes. Il fait ensuite ses valises pour le Japon où il effectue un post-doctorat en biophysique à l’Université de Tokyo. Il s’intéresse aux moteurs moléculaires : ouvriers nanométriques travaillant dans les cellules du vivant. Yannick décide alors de faire une pause pour voyager à travers la monde. Après avoir sillonné la péninsule du Kamchatka à pied, il décide de traverser l’Afrique à vélo. En 2009, il publiera « L’Afrique à l’envers : Du Cap au Caire, à vélo » édité aux Sources du Maica. A son retour, il exerce en tant que journaliste, avant de devenir consultant en créativité technologique et innovation. Enfin, Yannick retrouve la recherche et intègre le CNRS au laboratoire Franco-Japonais de l’Université de Tokyo. Depuis 2008, Yannick s’intéresse à la programmation moléculaire sur support d’ADN. Il utilise les outils de la chimie synthétique pour traiter l’information. Il rejoint l’ESPCI Paris en 2016 pour créer son propre groupe de recherche au sein du laboratoire Gulliver. Aujourd’hui, il s’intéresse également au développement d’outils diagnostic pour la détection d’enzymes.
Yannick attache une importance particulière à la représentation graphique, essentielle pour lui à l’interprétation des données. La composante esthétique est omniprésente dans sa recherche ; les images qu’il produit doivent marquer, impacter : « J’aime ajouter une valeur esthétique à une expérience qui fonctionne », nous confie-t-il.
Les oeuvres de Yannick :
Matthieu Roche
Physico-chimiste
Université Paris Diderot
Initialement destiné à la physique quantique, Matthieu décide de substituer l’esthétique des expériences visuelles à l’abstraction des objets invisibles. C’est à l’occasion d’un cours sur les instabilités en mécanique des fluides qu’il se décide à emprunter cette voie. Il s’intéresse pendant son doctorat à Bordeaux à la déstabilisation de gouttes de cristaux liquides. Après un court séjour à l’Institut de Physique de Rennes, il traverse l’Atlantique pour travailler aux côtés de Howard Stone à l’Université de Princeton. C’est à l’occasion d’une visite de son collègue Arnaud Saint-Jalmes qu’il fait la découverte de l’expérience d’écoulements de surface qui l’occupe encore aujourd’hui. Prêts à quitter le laboratoire après plusieurs essais infructueux, les deux chercheurs vident l’échantillon dans l’évier et voient alors apparaitre des volutes, témoins du phénomène tant recherché. A la frontière de la mécanique des fluides et de la physico-chimie des interfaces, Matthieu développe l’expérience et la pousse dans ses derniers retranchements. Il y trouve rapidement des applications qui attirent l’attention des industriels désireux de tester leurs formulations chimiques pour la cosmétique ou encore l’industrie pétrolière. Il intègre le CNRS en 2014 après un second post-doctorat sur les propriétés de surface des milieux poreux au Laboratoire de Physique du Solide à Orsay.
Matthieu prend plaisir à utiliser les objets du quotidien pour illustrer la complexité des phénomènes qu’il étudie. Il accorde une importance capitale à l’esthétisme de la matière molle : « Non seulement c’est beau, mais grand nombre des phénomènes qui nous entourent au quotidien sont encore incompris à ce jour », nous dit-il.
Les oeuvres de Matthieu :
Pascal-Jean Lopez
Biologiste
Museum National d'Histoire Naturelle
Pascal est fasciné par la croissance des formes dans la nature. Il démarre sa carrière académique par une thèse à l’Ecole Normale Supérieure où il se penche sur la régulation et l’expression des gènes chez les bactéries. Après un court passage à la Harvard Medical School et un post-doctorat à Heidelberg en Allemagne, Pascal intègre le CNRS et constitue sa propre équipe de recherche. Il s’intéresse à la croissance et à l’évolution des formes dans les diatomées, algues microscopiques que l'on retrouve dans toutes les eaux du monde. En 2010, il rejoint le Museum National d’Histoire Naturelle et travaille sur des questions de bio-minéralisation, en particulier sur les mécanismes de formation du squelette chez les coraux ou les mollusques. Une partie de sa recherche est toujours dédiée à l’étude de la structure des diatomées, mais avec une particularité : Pascal étudie et cartographie méticuleusement les diatomées des eaux de Paris ! Il est par exemple capable, en fonction des espèces qu’il observe sous son microscope, d'identifier l'arrondissement d’où provient l’échantillon. Mais Pascal a bien plus d’une corde à son arc, et sa recherche ne connaît pas de frontières. Soutenu par le CNRS, il crée en 2016 un Observatoire Homme-Milieu en Guadeloupe. L’idée est d’étudier l’évolution du socio-écosystème en réponse à un fait dit « structurant » : l’extension portuaire de Point-à-Pitre.
Pascal s’interroge en profondeur sur l’esthétique intrinsèque des objets qu’il photographie. « C’est probablement leur beauté inessentielle qui me passionne. A l’inverse des papillons mâles qui déploient leurs plus jolies couleurs dans le but d’attirer les femelles, les diatomées sont belles par nature, même si elles n’en ont pas besoin. C’est fascinant ! », nous avoue-t-il avec enthousiasme. Pascal passe de longues heures à sublimer ces micro-organismes : « c’est en quelque sorte rendre hommage à ces créatures merveilleuses ».
Les oeuvres de Pascal-Jean :
Sophie Goujon-Durand
Physicienne
Université Paris-Est Créteil
Sophie étudie la physique à l’Ecole Polytechnique de Varsovie et effectue son doctorat sur les instabilités hydrodynamiques. Elle rejoint ensuite la France et devient ingénieure au centre de recherche Schlumberger à Montrouge. Après 18 ans passés dans l’industrie, Sophie rejoint le monde académique et devient enseignante-chercheuse à l’Université Paris-Est Créteil. Son expérience chez Schlumberger lui permet de porter un regard industriel sur ses recherches, un trait particulièrement apprécié par ses collègues ayant pour la plupart suivi une formation purement académique. Elle ne perd jamais de vue les potentielles applications dans les expériences qu’elle met en oeuvre. C’est à l’occasion d’une mission industrielle à Schlumberger sur le design d’un débit-mètre de forage qu’elle fait la connaissance de José-Eduardo Wesfreid. Depuis, ils n’ont cessé de travailler ensemble. Ils s’intéressent tout particulièrement aux sillages de fluides s’écoulant autour d’objets de géométrie variable. Ils développent également la thématique du « contrôle actif » : comment amplifier ou détruire, de façon contrôlée, les tourbillons qui se forment derrière les obstacles ? Sophie donne souvent l’exemple du pont de Tacoma Narrows aux Etats-Unis qui en 1940 s’est mis à osciller de façon spectaculaire (vidéo) : « Ce que les gens ignorent c’est que le pont est entré en résonance à cause des tourbillons formés derrière les poutres battues par le vent ! ».
Les oeuvres de Sophie :
Eric Falcon
Physicien
Univ. Paris Diderot
Pendant son doctorat, Eric s’intéresse aux milieux granulaires et en particulier à la propagation du son dans les réseaux de billes. Après une année passée à l’Ecole Normale Supérieure en tant que scientifique du contingent, il travaille au Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et fait voyager ses expériences dans une fusée-sonde afin d’en étudier le comportement en micro-gravité. Eric intègre ensuite le CNRS à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon où il contribue notamment à la compréhension profonde de l’effet Branly. Ce mécanisme — à la base des premières télécommunications sans fil entre Paris et Londres dans les années 1880 — était jusqu’alors largement utilisé mais peu compris. En 2005, il rejoint le laboratoire Matières et Systèmes Complexes à Paris et constitue sa propre équipe de recherche sur des problématiques de turbulence d’ondes. Mais l’espace n’a jamais vraiment quitté Eric. Il travaille avec l’astronaute Thomas Pesquet sur des expériences réalisées en impesanteur, et coordonne une équipe internationale qui oeuvre à la mise en place d’un instrument d’étude des milieux granulaires sur la Station Spatiale Internationale. Au-delà de ses intérêts fondamentaux, cette étude permettrait par exemple de résoudre les problèmes de forage sous faible gravité, ou encore les problèmes d’ensablement des Rovers sur Mars.
Eric est sensible à la combinaison des créativités et participe régulièrement à des manifestations mêlant Arts et Sciences. Avec son ami et collègue Claude Laroche, ils prennent plaisir à sublimer et magnifier les objets scientifiques sur lesquels ils travaillent.
Les oeuvres de Eric :